vendredi 25 juillet 2008

La peau individuelle - Description du périmètre

Une peau en bonne santé, ni sèche, ni rêche, est une peau bien nourrie, dont toutes les cellules se renouvellent d'une façon optimale. Étalée sur la surface corporelle, sans début ni fin, l’organe de la peau est la première, la plus grande défense du corps, contre les coups, le chaud, le froid, le soleil, les microbes et le danger. Dans l’utérus, le vernix, une substance blanchâtre, grasse et lubrifiante recouvre et isole la peau de bébé des éléments salés du liquide amniotique. En fin de grossesse, le vernix se détache de son corps mais il en reste suffisamment pour l'aider à se glisser hors du corps maternel. Dès lors exposée à l’air libre, la peau délicate de bébé s’offre vulnérable à diverses sensations, assauts et possibles irritations. La personne nourricière veille dorénavant à protéger l’enfant introduit dans ce nouvel espace l'engageant à de nouvelles relations au monde. Chez l'adulte, la superficie de la peau varie entre 1,5 m² et 2 m². La peau pèse en moyenne 7 kilogrammes (environ 15 % de la masse corporelle totale). La peau est plus fine chez la femme que chez l’homme. Elle prévient l'entrée de la plupart des corps étrangers. Les meilleures défenses de la peau consistent en son entretien, son processus de guérison des plaies et ce qui le favorise. Les personnes qui perdent trop de peau, par brûlure par exemple, sont hautement susceptibles de succomber à des infections. Elles ne sont plus suffisamment immunisées contre l’extérieur et perdent une trop grande part de la faculté de recenser l’information essentielle à l’existence, et de la capacité de percevoir adéquatement ce qui les touche. Donc, le meilleur environnement pour des soins dans ce cas est un milieu stérile, hautement gardé. On peut perdre la vue, l’ouïe, l’usage d’un ou plusieurs membres, mais on ne peut survivre sans la peau.

La peau comprend trois couches superposées : l'épiderme, le derme et l'hypoderme.

L'épiderme, couche superficielle assez mince, elle-même composée de plusieurs couches, protège les couches plus profondes, ainsi que les organes. Son épaisseur varie entre 1,5 et 4 mm suivant la région du corps que l’on considère; celle qui recouvre la plante des pieds et la paume des mains est plus épaisse que celle du reste du corps. La couche la plus profonde de l’épiderme, la couche basale, repose sur le derme. On y trouve des mélanocytes qui produisent la mélanine (pigment naturel) sous contrôle de nos gènes. Suivant leur concentration, ils donnent sa couleur à l’épiderme des humains que l’on retrouve dans des variations passant du brun foncé au blanc-rosé. Parallèlement, le corps se protège de la quantité et de l'intensité des rayons solaires en produisant plus ou moins de mélanine: c'est le phénomène de bronzage. Sous exposition continue au soleil, l’homme peut développer un bronzage permanent. Mais les rayons UVA peuvent occasionner des dommages en profondeur dans le derme, là où se trouvent le collagène et l'élastine, et les rayons UVB peuvent provoquer le rougissement de la peau, rendant la couche superficielle plus fragile. Les personnes au teint clair sont plus fragiles. Le cas extrême d’absence de mélanine de la peau, des poils, des cheveux, des yeux, est une condition génétique connue : l’albinisme. Aussi spectaculaire est la peau si noire qu’elle reflète bleu royale, ou tel Krishna, la peau devenue bleue par absorption de solutions à base d’argent.

Le derme, couche intermédiaire de la peau, est beaucoup plus épais que l'épiderme. Il renferme la gaine des poils, une centaine de glandes sudoripares, 1 mètre de vaisseaux sanguins, 3000 terminaisons nerveuses et 3 millions de cellules au m². Le derme a pour rôle de s’adapter aux mouvements des structures situées au dessous de lui tels muscles, tendons, aponévroses, mais également de protéger l’organisme des coups. L'élastine, la fibrilline et le collagène sont des protéines synthétisées et sécrétées dans l’espace extracellulaire. L'élastine permet aux cellules de se lier et permet aux tissus de se former. A diamètre égal, elle est 5 fois plus élastique qu'un élastique. Elle peut s’étirer jusqu’à 150% de sa longueur au repos avant de se briser. Ainsi, elle permet aux tissus de s’étirer et de retrouver leur état initial après l’étirement, ce qui leur donne de la souplesse. Aussi, le bon fonctionnement de la peau, des poumons, des vaisseaux sanguins, des tissus conjonctifs, de certains tendons et cartilages est étroitement lié à la caractéristique extensible de l’élastine. La production totale d’élastine s’arrête autour de la puberté. Pendant la grossesse, le contenu en collagène de l'utérus humain est multiplié par sept et le contenu en élastine par quatre ou cinq contribuant au maintien d'une force mécanique élevée de l'utérus, nécessaire à l'accouchement. La quantité d'élastine disponible diminue avec le temps, l'élastine se trouvant remplacée par du collagène inextensible. Les vergetures et le vieillissement cutané sont des exemples visibles de ce processus. S'il y a moyen de ralentir le processus de vieillissement de la peau, il est impossible de le renverser ou de l‘arrêter. La rapidité avec laquelle ce processus se déroule dépend de l'hérédité et du mode de vie (abus, alcool, tabac, épuisement/manque d’exercices). Hormis via un processus de momification, il est impossible de trouver des vestiges de peau dans les fouilles archéologiques. «Poussière, tu retourneras à la poussière.»


La couche la plus profonde de la peau, qu'on appelle l'hypoderme, contribue à l’exercice vital de retenir et de produire de la chaleur et à amortir les chocs, de façon à protéger les organes internes grâce à son stockage adipeux qui tend à se cumuler chez l’humain qui ne brûle pas suffisamment ses calories. Chez la femme, c’est cette graisse sous-cutanée qui cause la peau d’orange et qui motive tant de diètes, d’exercices, de cures et crèmes afin que la peau retrouve un aspect normal, parfois au détriment de la santé. Ce stockage de graisses a aussi un caractère sexuel : rondeurs des cuisses, des hanches et des fesses chez la femme, et puis découpage du ventre et largeur des épaules chez l’homme.

vendredi 18 juillet 2008

La peau

J’ai toujours entretenu une relation particulière avec ma peau. En fait, cette relation a marqué plus que skin deep ma relation au monde. Je suis une hypersensible. À peine trois mois d’âge, j’étais déjà couverte de la tête aux pieds avec de l’eczéma. Ici, on parle de la peau qui démange, douloureuse, qui nous pousse à nous gratter jusqu’au sang par manque de se faire toucher. L’eczéma va et vient en crise au gré du seuil de nos tolérances. Hors crise, ma peau a toujours présenté une condition visible héréditaire : une «peau de poisson», à tendance sèche et écailleuse bien caractéristique. Je neigais des peaux mortes tous les jours et laissait des traces blanches sur tout ce que je touchais. Comme les serpents, je changeais de peau, pour faire peau neuve. La cohabitation du mortifère et de l’appétence pour la jeunesse éternelle sont mes balises depuis toujours – ce n’est pas seulement une préoccupation adulte.

La peau sèche augmente la probabilité de chocs électrostatiques … d’où probablement une grande irritabilité à toutes fibres qui ne soient naturelles, à certains composants de crèmes et à certains types de lumière aussi. Mais, elle a l’avantage de ne pas nous gêner par la transpiration. Son entretien est exigeant, quotidien et sans compter coûteux. Les irrégularités psychosomatiques de ma peau ont duré jusqu’à mes vingt ans – jusqu’à ce quelqu’un m’ait réellement entendue – sans qu’il me touche. Lorsqu’on parle de peau, il n’y en a pas que pour la sexualité. La peau fait partie de l’espace social – et le mien était bien isolé, hors d’atteinte, en deça de la proximité physique, sans aucun lieu pour s’exulter et j’en souffrais! C’est ce qui a fait de moi une extrovertie, c'est ce qui m'a poussée à prendre une attitude qui tend à attirer l'attention des autres sans nécessairement avoir le savoir-faire pour transiger avec eux. Enfant, on apprend à occuper juste l’espace qu’on nous donne. Ma peau exprimait le manque d’espace intime autour de moi pour mon propre développement et en portait tous les signes. Jeune adulte, j’ai cherché à combler ce manque de relation intime dans le nombre des rencontres, et les déplacements qui sont contraires au fait d’être immobile et isolée. Mais, ça c’est l’école dure qui m’a fait passer de la mère dans ma peau à l’amer dans ma peau. C'est plus tard que j'appris à aimer ma peau.

J’ai fini par comprendre que ma mère, sans avoir vécu l’inceste, avait été marquée par les conséquences de l’inceste vécu par ses proches. Cela explique sa relation avec moi qui était la même qu’avec une poupée de porcelaine, marquée d’une barrière inhumaine, faite de chaleur distante, de silence et d’infantilisme. Avilir par trop d’idéalisation. Mon père témoin et inquiet de cette tournure a cherché à compenser en nous inculquant l’ouverture face à notre corps et celui d’autrui. Et la leçon fut quotidienne toujours en respect de cette limite à ne JAMAIS franchir, celle de l'intégrité. Mes parents étaient culturistes de métier. Des être humains nus, dans toute leur splendeur et déficience, j’en ai vu. Egos, morphologies, muscles, couches adipeuses, diètes et programmes d’entraînement adaptés ont été des sujets ouvertement discutés à table. À l’époque, ce qui était commun chez nous, était tabou ou étranger partout ailleurs, et vice versa! Notre famille était perçue d’avant-garde plutôt que décriée ou passée sous silence. Ironique que mes parents aient œuvré dans une sphère de l’intimité hautement gardée : celle de la chair, chair fluctuante mais pas ouvertement malade. Leur principal défaut dans notre intimité faisait leur force dans le public! Leur distance naturelle et leur discipline monstre leur ont permis de toujours maintenir une attitude irréprochable sur le plan professionnel!

Pour mes treize ans, ma mère a eu l’idée saugrenue de m’offrir une chirurgie. J’avais un grain de beauté sous la cloison centrale du nez qui ressemblait en tout point à de la morve. Je faisais régulièrement face au malaise et aux taquineries des gens. C’est ce qui a fait brandir le scalpel de ma mère. Le problème est que ce nævus avait une racine de plusieurs millimètres. En recousant l’ouverture ainsi créée, le nez s’est retrouvé dévié. Trois chirurgies réparatrices plus tard : je ne me ressemble plus; il n’y a plus d’espace pour de nouvelles cicatrices dans les cloisons intérieures de mon panache; j’ai perdu d’innombrables sensations et perceptions d’odeur et j’ai gagné l’impression d’avoir un objet non identifié au milieu de mon visage, comme dans un tableau de Picasso. Oh j’oubliais! C’est peu visible, quoique certaines personnes ressentent un malaise indéfini à ma vue... et je sens venir les orages! Vous comprendrez que je ne comprends absolument pas pourquoi les gens courent chez les chirurgiens plastique pour se faire dépecer volontairement!!! L’apparence, on n'en fait pas l'expérience dans notre peau et ce que l'on sent au nom de l'apparence n'est pas ragoûtant! L'aspect positif de l'apparence tient essentiellement dans le regard de l’autre! Pourquoi faire ce sacrifice-là? N’en est-il pas de meilleurs pour l’humanité? En tout cas, ce fut un cadeau… euh… dont les connotations n’ont pas seulement fait violence à mon nez…

Quand je suis devenue mère, j’ai tenu à allaiter mon enfant. Une expérience indicible et salvatrice. Tout un transfert de vie est contenu là, dans cet acte qui colle la peau contre la peau. Dès le départ, j’ai eu très peur de transmettre mes manques. Cela m’a gardé alerte. J’insiste encore aujourd’hui pour qu’il n’y ait aucune barrière physique entre moi et ma fille. C’est notre lieu commun. C’est notre maison à défaut d’en avoir une. On se voit, on se serre. On ne se comprend peut-être pas toujours, mais on est là, bien concrètement l’une pour l’autre.

Autre expérience : j’ai été exposée à la maladie de Lyme par la piqûre d’une tique. Les trois premiers mois, j’ai été couverte de la tête aux pieds avec des plaies cancres qui se présentaient avec de grands cercles rouges mais seulement après que le phénomène ce soit propagé en migrant d’un membre à l’autre. J’ai mis deux ans à stabiliser mon grain de peau. Ces «boutons» ont laissé des traces permanentes de leur passage. Cette maladie, combinée aux troubles immunitaires de la maladie de Graves, m’a obligé à vivre plusieurs années à demi-jour en retrait de la vie sociale, à traîner ma peau, par gêne et par fatigue. Un des symptômes dû au grand mimétisme de ces affections a été l’affaissement (temporaire) de la peau et des muscles de mon corps comme dans les maladies neuro-musculaires, au point de ressembler au Sharpei. Mignon sur le chien.

Pas facile de vivre avec sa peau en porte-à-faux! Heureusement qu’elle se regenère sinon imaginez qu’elle porte visiblement tous les coups, cassures, brisures, déchirures, piqûres, et reflète tous les états d’âmes vécus depuis la création de notre existence… Nous serions plus hideux que des lépreux! Mais c’est aussi pourquoi nous pouvons tous être indulgents à ceux qui sont éprouvés, parce que nous savons ce que c'est d'être affublés de cicatrices. Bien qu’elles soient moins visibles, certaines sont là pour rester et affectent qui nous sommes de manière définitive.

Aujourd’hui, je commence à montrer quelques signes de vieillissement. Tout se transforme déjà de manière perceptible et irréversible. Mais cela agresse que mon sentiment d'attachement à la vie, c’est finalement une évolution normale de la vie.

La peau est un vecteur de notre condition humaine. La peau est indissociable de l’enjeu de notre identité. C’est un sujet, un thème, un objet de culte, d’analyse, de recherche en Arts comme en Sciences. La peau touche à tout. Elle définit le contour et l'essentiel de qui nous sommes.

Ce sac, cette enveloppe, ce linceul, cet écrin, cette dépouille, cette peau d’écorché, cette peau de bête, ce bouclier, ce derme est vase, récipient, urne, vaisseau, corps, étui, coffre à livre; montre couleur et teint; c’est une limite qui est dangereux de traverser; c’est une protection; c’est le corps superficiel qui apparaît dans sa santé et sa destruction; il est le reflet de l’âge et de la beauté qui reproduit le statuaire en soi, la liaison et l’arrangement de tout, mesuré et symétrique dont la ligne ne vient nullement des profondeurs. Jackie Pigeaud 1

On y réfère constamment: À fleur de peau (irritabilité); Attraper, prendre, retenir, saisir qqn par la peau des fesses, du cul (en saisissant qqn par le derrière au dernier instant pour le forcer à prendre une direction); Avoir la mémoire dans la peau; Avoir la mort dans la peau; Avoir la peau et les os; Avoir la peau de qqn (se venger de qqn; vaincre qqn); Avoir la peau dure (très résistant); Avoir la vengeance dans la peau; Avoir le feu sous la peau (être passionné); Avoir le rythme dans la peau (savoir danser, chanter, jouer la musique); Avoir qqn dans la peau (aimer qqn avec passion); Cette femme est une peau (luxure, vice); Changer de peau; Coller à la peau (nous convenir); Coûter la peau des couilles ou des fesses (coûter très cher); Entrer dans la peau de qqn (s'identifier à qqn, se mettre à sa place); Entrer dans la peau d'un personnage (jouer avec beaucoup de conviction); Être bien dans sa peau (à l'aise); Être peau contre peau; Faire la peau à quelqu'un (le tuer); Faire peau neuve (changer de vêtements); Il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tuer (il ne faut pas disposer d'une chose avant d'être assuré de sa possession); Lui aller comme une seconde peau (vêtement moulant et seyant qui colle au corps); N'avoir que la peau et les os (maigreur ou pauvreté); Par la peau des dents (de justesse); Peau d'âne (diplôme); Peau de pêche (peau rose, très douce); Peau de vache (sévérité qui va jusqu'à la dureté); Peau d’orange (cellulite); Peau élastique; Peau mate (peau foncée); Peau-rouge (indien d’Amérique); Peaux mortes (petits morceaux de peau desséchée); Risquer sa peau (risquer sa vie); Se faire trouer, percer la peau (se faire tuer); Se mettre dans la peau de quelqu'un (se mettre à sa place); Tenir à sa peau (tenir à la vie); Vendre chèrement sa peau (se défendre avec énergie avant de succomber); Vieille peau (vieille personne); Y laisser sa peau (en mourir).

Et il y a la chair : Avoir la chair ferme (être en bon état); Avoir la chair fraîche (jeunesse, inexpérience, naïveté); Avoir la chair de poule (frisson); Chair à canon (soldats destinés à périr sous les armes); Chair à dame (poire); Chair à pâtés (hachées menue); Chair à saucisse (bon pour l’abattage); Chair baveuse (chair spongieuse d’une plaie qui tend à ne pas cicatriser) Chair blanche (veau, volaille); Chair de fruit (substance imbibée de sucs et cependant assez ferme du fruit); Chair fossile (vieille); Couleur de chair (rouge pâle); En chair et en os (réel); Être en chair (être en bon état); Entre cuir et chair (entre la peau et la chair); Excroissance de chair (tumeur); Grippe-chair (suppôt de police, archer); La chair de ma chair (descendance); La chair nourrit la chair (la viande est le meilleur aliment); L’esprit est prompt et la chair est faible; Le Verbe s’est fait chair (Jésus); L’œuvre de la chair (la conjonction charnelle ou son produit); L’aiguillon de la chair (péché d’impureté); Masse de chair (qui a le corps et l’esprit lourd); Ni chair ni poisson (chose indéfinie); Pester entre cuir et chair (Être mécontent sans oser le dire).

Nous y faisons aussi allusion dans le langage technologique (anglais): skin, pinch, touchscreen, cybersex…

Je me propose donc dans les semaines à venir, vous entretenir, entre autres, de la peau, de différents rapports que les humains engagent avec leur organe limitrophe:


I La peau individuelle : unique et complexe
Description, Fonctions, Dysfonctions et Transformations


II La seconde peau : distinguée, parée et armée
Cosmétiques, Masques, Perruques, Tissus & Vêtements


III La peau tertiaire : nomade, sédentaire, et solidaire
Véhicule, Habitat, Communication, Défense et Communauté


dimanche 13 juillet 2008

Fraises en saison

Je viens de cuisiner mes premiers pots de confiture aux fraises. Je ne suis pas peu fière. Comme j'ai utilisé la moitié du sucre que la recette indiquait, ma confiture ressemble plus à un coulis. Mais quel coulis! Parfumé, d'un rouge couleur coeur et tellement savoureux sur mon pain grillé.

Une fraise dans une assiette, ce fut le premier dessin de ma fille en garderie... et c'était très ressemblant! Ou bien était-ce un coup de pinceau hasardeux qui ressemblait en tous points à une fraise dans une assiette? Peu importe. Ce premier jet complimenté a fait que ma fille aujourd'hui vibre encore par ses pinceaux!


Enceinte, je rêvais avec vividité, en couleur, à une fraise voluptueuse dont le parfum me titillait de son arôme. Je pouvais en percevoir chaque poil, chaque akène, encore suintante de rosée du matin, que dans un grand bol de crème fouettée fraîche je trempais, avec en arrière-champ le soleil tiède d'un matin d'été. Ce rêve se répéta presque toutes les nuits pendant des mois... à chaque fois, je me réveillais en salivant! C'était presqu'une expérience érotique, mais cela n'allait pas sans frustration! Je n'eus jamais l'occasion d'en goûter une seule de toute ma grossesse! Par contre, comme moi, ma fille raffole des fraises!

Enfant, lorsque mon père amenait la famille au Dairy Queen, je choisissais toujours le sundae aux fraises bien que les sundae au caramel, au chocolat et le Banana split me tentaient drôlement... J'avais bien trop peur de ne pas avoir mes fraises... et leur jus délectable...

Nous approchons déjà la fin de la période de cueillette des fraises... J'en ai congelé. J'ai fais un roulé aux fraises. J'en ai ajouté à mon yogourt nature. Et j'ai fais un véritable coulis, hormis ma confiture, cette fois. MIAM!!! Ne me reste qu'à en boire!

Je ne peux m'empêcher par contre de rêvasser à cette découverte faite un bel été dans une auberge des Cantons de l'est... des fraises flambées au poivre! Renversant!... Étonnant!
Extraordinaire! Je me retrouve encore l'eau à la bouche!



Expressions québécoises: aller aux fraises (aller cueillir des fraises); eau de fraise (eau-de-vie à la fraise); fraise des champs (des petites fraises); fraises sauvages (elles vous griffent quand on tente de les cueillir); gélinotte à la fraise (oiseau); petites culottes à la fraise (réfère aux culottes mangeables à la saveur de fraise); se geler la fraise (se droguer); se montrer la fraise (se présenter quelque part); se paqueter la fraise (se saoûler).

mercredi 9 juillet 2008

Écrits IV



La République de Platon

Extrait du Livre X


Le peintre, disons-nous, peindra des rênes et un mors.

Oui.

Mais c'est le sellier et le forgeron qui les fabriqueront.

Certainement.

Or, est-ce le peintre qui sait comment doivent être faits les rênes et le mors? Est-ce même celui qui les fabrique, forgeron ou sellier? N'est-ce pas plutôt celui qui a appris à s'en servir, le seul cavalier?

C'est très vrai.

Ne dirons-nous pas qu'il en est de même à l'égard de toutes les choses?

Comment cela?

Il y a trois arts qui répondent à chaque objet : ceux de l'usage, de la fabrication et de l'imitation.

Oui.

Mais à quoi tendent la qualité, la beauté, la perfection d'un meuble, d'un animal, d'une action, sinon à l'usage en vue duquel chaque chose est faite, soit par la nature, soit par l'homme?

À rien d'autre.

Par conséquent, il est de toute nécessité que l'usager d'une chose soit le plus expérimenté, et qu'il informe le fabricant des qualités et des défauts de son ouvrage, par rapport à l'usage qu'il en fait. Par exemple, le joueur de flûte renseignera le fabricant sur les flûtes qui pourront lui servir à jouer; il lui dira comment il doit les faire, et celui-ci obéira.

Sans doute.

Donc, celui qui sait prononcera sur les flûtes bonnes et mauvaises, et l'autre travaillera sur la foi du premier.

Oui.

Ainsi, à l'égard du même instrument, le fabricant aura, sur sa perfection ou son imperfection, une foi qui sera juste, parce qu'il se trouve en rapport avec celui qui sait, et qu'il est obligé d'écouter ses avis, mais c'est l'usager qui aura la science.

Parfaitement.

Mais l'imitateur, tiendra-t-il de l'usage la science des choses qu'il représente, saura-t-il si elles sont belles et correctes ou non - ou s'en fera-t-il une opinion droite parce qu'il sera obligé de se mettre en rapport avec celui qui sait, et de recevoir ses instructions, quant à la manière de les représenter?

Ni l'un, ni l'autre.

L'imitateur n'a donc ni science ni opinion droite touchant la beauté ou les défauts des choses qu'il imite.

Non, semble-t-il.

Il sera donc charmant l'imitateur en poésie, par son intelligence des sujets traités !

Pas tant que ça !

Cependant il ne se fera pas faute d'imiter, sans savoir par quoi chaque chose est bonne ou mauvaise; mais, probablement, imitera-t-il ce qui paraît beau à la multitude et aux ignorants.

Et que pourrait-il faire d'autre?

Voilà donc, ce semble, deux points sur lesquels nous sommes bien d'accord : tout d'abord l'imitateur n'a aucune connaissance valable de ce qu'il imite, et l'imitation n'est qu'une espèce de jeu d'enfant, dénué de sérieux; ensuite, ceux qui s'appliquent à la poésie tragique, qu'ils composent en vers ïambiques ou en vers épiques, sont des imitateurs au suprême degré.

Certainement.

Mais par Zeus ! m'écriai-je, cette imitation n'est-elle pas éloignée au troisième degré de la vérité?

Si.

D'autre part, sur quel élément de l'homme exerce-t-elle le pouvoir qu'elle a?

De quoi veux-tu parler?

De ceci : la même grandeur, regardée de près ou de loin ne paraît pas égale.

Non, certes.

Et les mêmes objets paraissent brisés ou droits selon qu'on les regarde dans l'eau ou hors de l'eau, ou concaves et convexes du fait de l'illusion visuelle produite par les couleurs; et il est évident que tout cela jette le trouble dans notre âme. Or, s'adressant à cette disposition de notre nature, la peinture ombrée ne laisse inemployé aucun procédé de magie, comme c'est aussi le cas de l'art du charlatan et de maintes autres inventions de ce genre.

C'est vrai.

Or, n'a-t-on pas découvert dans la mesure, le calcul et la pesée d'excellents préservatifs contre ces illusions, de telle sorte que ce qui prévaut en nous ce n'est pas l'apparence de grandeur ou de petitesse, de quantité ou de poids, mais bien le jugement de ce qui a compté, mesuré, pesé?

Sans doute.

Et ces opérations sont l'affaire de l'élément raisonnable de notre âme.

De cet élément, en effet.

Mais ne lui arrive-t-il pas souvent, quand il a mesuré et qu'il signale que tels objets sont, par rapport à tels autres, plus grands, plus petits ou égaux, de recevoir simultanément l'impression contraire à propos des mêmes objets?

Si.

Or, n'avons-nous pas déclaré qu'il était impossible que le même élément ait, sur les mêmes choses, et simultanément, deux opinions contraires?

Et nous l'avons déclaré avec raison.

Par conséquent, ce qui, dans l'âme, opine contrairement à la mesure ne forme pas, avec ce qui opine conformément à la mesure, un seul et même élément.

Non, en effet.

Mais certes, l'élément qui se fie à la mesure et au calcul est le meilleur élément de l'âme.

Sans doute.

Donc, celui qui est lui opposé sera un élément inférieur de nous-mêmes.

Nécessairement.

C'est à cet aveu que je voulais vous conduire quand je disais que la peinture, et en général toute espèce d'imitation, accomplit son oeuvre loin de la vérité, qu'elle a commerce avec un élément de nous-mêmes éloigné de la sagesse, et ne se propose, dans cette liaison et cette amitié, rien de sain ni de vrai.

C'est très exact, dit-il.

Ainsi, chose médiocre accouplée à un élément médiocre, l'imitation n'engendrera que des fruits médiocres.

Il le semble.

Mais s'agit-il seulement, demandai-je, de l'imitation qui s'adresse à la vue, ou aussi de celle qui s'adresse à l'oreille, et que nous appelons poésie?

Vraisemblablement, il s'agit aussi de cette dernière.

Toutefois, ne nous en rapportons pas uniquement à cette ressemblance de la poésie avec la peinture; allons jusqu'à cet élément de l'esprit avec lequel l'imitation poétique a commerce, et voyons s'il est vil ou précieux.

Il le faut, en effet.

Posons la question de la manière que voici. L'imitation, disons-nous, représente les hommes agissant volontairement ou par contrainte, pensant, selon les cas, qu'ils ont bien ou mal agi, et dans toutes ces conjonctures se livrant soit à la douleur soit à la joie. Y a-t-il rien de plus dans ce qu'elle fait?

Rien.

Or donc, en toutes ces situations l'homme est-il d'accord avec lui-même? ou bien, comme il était en désaccord au sujet de la vue, ayant simultanément deux opinions contraires des mêmes objets, est-il pareillement, au sujet de sa conduite, en contradiction et en lutte avec lui-même? Mais il me revient à l'esprit que nous n'avons pas à nous mettre d'accord sur ce point. En effet, dans nos précédents propos, nous sommes suffisamment convenus de tout cela, et que notre âme est pleine de contradictions de ce genre, qui s'y manifestent simultanément.

Et nous avons eu raison, dit-il.