samedi 26 mai 2007

Deuil et changement I

L'Ouroboros, le serpent qui se mord la queue en dessinant une forme circulaire, qui ne cesse de tourner sur lui-même s'enfermant dans son propre cycle, rompt avec une évolution linéaire, et marque un changement tel qu'il semble émerger au niveau d'être supérieur, spiritualisé. Il transcende ainsi le niveau de l'animalité, pour avancer dans le sens de la plus fondamentale pulsion de vie. Il symbolise l'idée de mouvement, de continuité, d'autofécondation et en conséquence, d'éternel retour sur soi. Cela peut aussi représenter le cycle des existences dont les êtres sont condamnés à ne jamais s'échapper.

La réalité est faite d'impermanence. Tout change, tout, en fait, est toujours en mouvement, en déchéance, en déplacement ou en évolution. Le changement n'est ni positif, ni négatif en soi. Ce sont les émotions qu'il évoque qui sont soit positives ou négatives. Notre nature recherche l'équilibre, l'homéostasie. Pas la neutralité, ni le statu quo, qui se doivent d'être des états temporaires. Le deuil ou notre adaptation au changement est notre recherche d'équilibre, c'est un processus de régénération. La complexité de ce travail est étroitement lié à la production de sens et à notre identité.


Identité

De même, notre identité personnelle est un processus, un travail immatériel à partir d'idées, de normes et de valeurs, mais non pas une chose qui existe et qui puisse être contenue. Selon les cultures, les religions, les technologies du Soi, il existe des conceptions spécifiques et temporaires de pratiques, d'habitudes et de comportements qui encadrent et contraignent le potentiel de Soi dans des trajectoires prévisibles et dites "normales". Cette construction, chacun la produit, l'invente à partir de sa propre histoire, de ses propres expériences, toujours en lien avec les autres ou définie en rapport aux autres, établissant ainsi ses appartenances. Les autres perçoivent et répondent à l'amalgame de nos idées, normes et valeurs dans nos communications en partie selon l'alignement de nos actes avec nos paroles, et comme nous, selon les pressions collectives et organisationnelles.


Communication

La communication est définie comme toute conduite expressive perçue par des interlocuteurs. On confond souvent information et communication. Dans la communication, il y a échange d'information, certes, mais il s'agit aussi d'arriver à une conception commune des situations vécues. Il s’agit en fait d’un processus continu d’ajustement pour établir et maintenir une relation qui évolue dans le sens désiré par les acteurs en présence. Donc, échanger des informations, définir sa position par rapport à celle des autres, influencer l'entourage, entretenir une relation, et s'ajuster dans la relation.

Dans un contexte de deuil ou de changement, la communication est primordiale, car il est possible que les personnes touchées ressentent une urgence de parole et de partage. Pour demeurer dans le vivant. Pour pallier au vide. Pour faire du sens de leur expérience. Il faut entretenir avec eux des échanges aussi directs (riches) que possible car l'absence et une trop grande discrétion, sont interprétés comme du désintérêt. Il faut des contacts fréquents, mais de courte durée, établir un lien de confiance et un échange continu. Si une incohérence entre le discours et les actes est perçue, les personnes de l'entourage seront jugées par leurs actes et ensuite par leur parole. Parce que les émotions sont à vif, à fleur de peau, parce que les énergies sont sollicitées ailleurs, on se braquera contre toutes les sources d'information manquant de fiabilité. Il est donc très important de dire ce que l'on fait et faire ce que l'on dit, afin d'assurer une forme de sécurité à la personne.

Il faut être clément et bienveillant à l'endroit des personnes touchées et ne pas abuser de leur très grande vulnérabilité. Être prêt à consacrer plus de temps aux personnes qui ont de la difficulté à accepter le changement, à condition que l'on ait toute leur confiance et la crédibilité pour se faire. Et écouter.

L’écoute active est empathique et non directive. La personne qui écoute intervient à la manière d’un miroir auprès de l’autre. Elle lui reflète clairement et sans jugement son vécu. En respectant son rythme, elle l’aide à concevoir son propre processus de résolution de problème. Ceci préserve l'autonomie et la dignité de chacun.


Amour et attachement

Il arrive que l'on s'attache à la construction de nos idées, normes ou valeurs, comme il arrive que l'on s'attache à notre définition de qui nous sommes, de nos pratiques, habitudes et comportements. Il arrive que l'on s'attache à des personnes, à des animaux, à un environnement. Parce qu'on leur confère la responsabilité de répondre à nos besoins. Parce qu'on a peur de perdre. Par ignorance. Imbues de fixité, ces perceptions de liens sont une source de souffrance.

On confond souvent amour et attachement. L'amour n'est pas une émotion en soi; c'est une expérience émotive complexe qui comprend plusieurs émotions. L'amour est un indicateur de besoins. En spécifiant ce que l'on aime on peut identifier plus facilement les besoins auxquels il répond ou les aspirations qu'il éveille en nous. On peut aussi cerner son besoin en identifiant les genres de satisfaction que nous procure le contact avec la personne ou l'objet aimé. Les amours fortes et profondes sont empreintes d'estime. Elles ont sur nous un effet d'élévation. Ce qui l'inspire a un effet stimulant; à son contact, nous sommes portés à être de meilleures personnes, à exploiter davantage nos ressources, à nous dépasser. Dans un couple, cela signifie que la relation sert à répondre à certains besoins, mais que chacun continue de porter toute la responsabilité de ces besoins. La relation est en mouvement continuel, se transformant, le rapport entre les deux personnes se modifiant sans cesse. Sinon, une sclérose s'installe, tortueuse et complexe, fixe et mortifère.


Perte et changement

Lorsqu'un élément de notre vie change, mute ou disparaît de manière temporaire ou possiblement de manière irréversible, cela, parfois, nous laisse peu préparés à la transformation, à la nouvelle cadence, au vide qui s'ensuit. La conscience de l'impermanence ne nous protège pas contre les pertes et les changements tout azimut de nos vies, mais nourrit une résilience qui nous permet de trouver plus facilement le calme et la paix. Malgré la très grande capacité d'adaptation des êtres humains, les pertes et changements ne se font pas toujours aisément. Elles font subir de l'insécurité par la perte de ses repères. Il faut trouver le courage de se laisser atteindre, de ressentir toute notre douleur et l'étendue de nos besoins afin de formuler de nouvelles réponses et de nouvelles manières de composer avec. Il faut parfois même acquérir de nouvelles compétences, de nouveaux outils pour faire face à notre vie. Cela peut nous transformer, nous transfigurer.


Temps de transitions

Ces temps qui appellent une déstructuration et de restructuration de l'être sont innombrables: mariage, grossesse, naissance et adoption, adolescence, départ des enfants (syndrome du nid vide), élever une famille, mort d'un proche ou d'une personne significative, séparations et divorce, perte d'emploi, nouveau boulot, changement de carrière, déménagement, émigration, retrouvailles avec un ami ou un membre de la famille, crise de la mi-vie, soins de personnes âgées ou en fin de vie, maladies, accidents, traumas spécifiques à la personne, victime d'acte criminel, condamnation, emprisonnement, coût de la vie, downsizing d'entreprise, virage technologique…


À suivre...

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