mercredi 9 mai 2007

Mort, Deuil et Rites funéraires III

Cette troisième partie se veut académique et personnelle à la fois. Une recherche du juste milieu.




Ces dernières années, j'ai enrichi mon rapport à la mort en "désherbant" le jardin qu'est ma vie. En renouant avec la mort et en éliminant enfin le mortifère. Je vous parle en jardinière car je suis animée d'une grande passion parallèle à l'introspection: les atmosphères de la nature végétale. Je me dis passionnée, mais je ne connais pas très bien l'objet de ma passion, nous en sommes encore à un stade d'apprivoisement. Après tout, mes pieds sont en ville, sans motorisé, et quasi tout le temps sur le béton. C'est d'un élan affectif, naturel dont je fais état. J'ai bien tenté un cours en horticulture, mais j'ai manqué de sous pour le terminer. Ce qu'il m'en reste c'est surtout des notions de compostage, de conduite et d'entretien mécanique de tracteur!


Néanmoins, je rêve un jour de créer mon propre paysagement, à flanc de montagne, qui permette de se recueillir auprès de sentiers, de ruisseaux, d'étangs, entourés d'une flore luxuriante, sentant frais l'humus. Mon amie Isabelle et moi nous sommes penchées sur la question de nos choix professionnels, cherchant à définir quelle nouvelle activité pourrait nous plaire tout en faisant un revenu raisonnable. C'est là que l'idée m'est venue: et si je joignais l'utile à l'agréable?


J'aime les fleurs, les paysages et jouer dans les jardins. Nos forêts du nord et des Cantons de l'est sont menaçées par le développement sauvage de projets immobiliers et ont besoin de protection. L'idée d'être coupée, depeçée, vidée de mon sang, lavée par des inconnus sur une table en métal dans une pièce asceptisée sentant le formol et autres agents chimiques comparables, après ma mort, est détestable. Celle de me savoir brûlée, vous vous doutez bien pourquoi, est encore plus nulle. Et la nature, ça se nourrit d'humus et de compost, c'est préférable aux produits chimiques qui brûlent nos terres. En almagamant tout cela, j'eu l'idée de transformer les corps en compost pour nourrir des jardins, faire du reboisement, et faire pousser des fleurs pour la vente (une forme d'auto-financement peut-être), ou pour faire des bouquets que les familles pourraient appporter chez eux. En faire un lieu de célébration de la vie, un terre res nullius pour l'éternité! Mettre à profit une longévité naturelle de l'énergie contenue dans la matière. En faire un nouveau rituel mortuaire. Pourquoi pas? C'est innovateur et certes pas encore un créneau compétitif.


Bon, même Isabelle a fait la grimace, mais positive, elle a tenu à m'encourager. C'est là que j'ai développé une approche plus académique face à la mort, question de me faire un portrait de la situation économique de la gestion de la mort au Québec. Étape no. 1 de tout plan d'affaires, obtenir une vue d'ensemble. Puis, voir ce qui se fait ailleurs dans le mouvement vert. Parce que quelque soit l'idée que l'on ait, il y a toujours quelqu'un sur la planète qui y pense avant ou en même temps. J'ai trouvé que les gens qui s'occupe de la mort sont en général, chaleureux, empathiques et ont beaucoup d'humour. Comme les corporations ont beaucoup de pouvoir dans ce milieu, ceux qui pensent à des méthodes alternatives, partent de très petit et font face à l'énorme problème de se créer un réseau d'affaires subversif, de contrer la résistance au changement de la culture en place. Ça c'est quand ils n'ont pas de problème de fonds financiers, à obtenir des propriétés protégées ou des permis d'opération. Il faut penser hygiène publique. Autonomie financière. Et il faut que ce moyen alternatif offre ce que les autres n'offrent pas: un service à la population réellement moins coûteux, plus en accord avec la conscientisation environnementale. Et surtout, il faut des adeptes. Hum.



C'est lors de la lecture de Stiff: The curious life of human cadavers, que j'ai découvert le projet de Susanne Wiigh-Mäsak et son procédé appelé Promessa. Elle réussi à composter les restes humains en quelques heures afin qu'ils soient absorbés par la terre en moins de six mois. Il y a ici, une possibilité de vivre la mort avec amour et détachement, de vivre la mort comme un passage, comme une transformation de la vie. L'azote liquide, l'élément indispensable de son procédé, est coûteuse. Pour moi, c'est un hic. Cela ne serait pas innovateur que de faire payer très cher le retour à la terre. Aussi, un hachis de viande gelée une fois décongelé, n'a certes pas la même cohésion au goût qu'un steak saignant. Est-ce que la nature peut faire la différence? Ou bien est-ce souhaitable d'obtenir une formule uniforme pour obtenir un compost optimal? Biologistes, micro-biologistes, horticulteurs chevronnés à mon secours! Mais aussi philosophes, physiciens et passeurs d'âmes! Ma question qui peut choquer les sensibles, est en fait en relation avec la nature de la Vérité et des lois régissant l'Univers. N'est-il pas notre devoir quand on crée une conception neuve de la mort, de l'aligner de manière responsable et sensée, au meilleur de notre connaisssance avec la vraie nature de la vie? Sans fausse prétention.


La mise en terre de cadavres au naturel dans un linceul ou un contenant bio-dégradable prend une très longue période à composter, et peut poser des problèmes de polluants. En fait, ils compostent là où ce n'est pas nécessairement utile, trop profond dans la couche terrestre. En revanche, ce processus ne se préoccupe pas vraiment de questionner ce qui nourrirait la terre sans l'obstruer, ou l'occuper si longtemps. Comment se vivrait le calendrier du jardinage autour du lieu d'enterrement si ce n'est pour mimiquer ceux des cimetières actuels? Je serais mal à l'aise de retourner la terre si je suis pour déloger un os ou autres parties des défunts qui éventuellement remonteraient seuls à la surface. Aussi, l'idée de marcher sur des cadavres, même si placés six pieds sous terre, me bouleverse un peu. Question de respect. La plupart des gens règle cette question en plaçant un arbre ou un arbustre sur l'emplacement de la sépulture, où il pousse à l'instar d'un totem animiste, en remplacement de la pierre tombale. Mais pour qu'un jardin soit beau, quelqu'un doit orchestrer la nature avec un quelconque plan d'aménagement!!! On ne peut pas planter des arbres partout, sinon avec l'idée un jour de se retrouver en forêt! Ce jour venu, pourrons-nous les couper pour entretenir les lieux? Comment choisir un arbre plutôt qu'un autre sans éveiller les hauts-cris des familles des disparus? Pourquoi ne pas laisser la place aux vivants? Rester libres de toute entrave physique, rester souples aux transformations du paysage, tout en demeurant en présence de l'essence énergétique de nos disparus, avec respect de l'orientation usuelle de ces jardins, parcs ou forêts. Pourquoi ne pas réinventer nos moyens de se souvenir de nos morts, de préserver notre histoire avec eux? Il pourrait être question de réviser la fonction muséale, les travaux de généalogie, et de réinstaurer l'Art dans nos jardins. Voyez comme ça mijote...


J'ai une urgence dans ce projet: il me faudrait voir de mon vivant sa réalisation afin qu l'on dispose de ma dépouille dans les circonstances de mon choix. Bien que le tout soit plausible, il me serait difficile d'entreprendre une croisade si complexe. Car, au-delà des questions géo-, bio-physiques et légales, il y a celle du culte. Mon seul pouvoir est de communiquer sur ce propos, d'échanger. Peut-être les gens s'accomoderont-ils à cette idée? Peut-être mes propres idées évolueront sur de nouveaux sentiers? Avec de nouvelles circonstances, de nouvelles sources financières, un temps plus opportun viendra peut-être pour que j'aille de l'avant dans ce dossier. Pour la carrière, par contre, dans l'immédiat, il me faut penser plus pratico-pratique.

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