samedi 26 mai 2007

Deuil et changement II

En combinant la littérature sur le deuil et celle sur le changement, (processus identique), nous retrouvons quatre étapes identifiables dans le temps mais qui se profilent dans un ordre relatif et interdépendant puisqu'il peut y avoir des aller-retours entre elles tant que celles-ci ne sont pas pleinement complétées.

Ici, j'ai volontairement énoncé les différent noms sous lesquels sont décrites les différentes étapes.

I
L'ÉVEIL, LA SOLLICITATION AU CHANGEMENT, LA REMISE EN QUESTION DES PRATIQUES EXISTANTES, LA DÉSINTÉGRATION, LE DÉSENGAGEMENT, LE DÉGEL

L'anesthésie ou choc

Le déclencheur de l'expérience de deuil ou de changement peut prendre plusieurs visages: une amélioration ou une défaillance de la situation existante, la pression de leaders du milieu, une nouvelle possibilité de faire des gains ou d'en perdre, un changement de statut pour le meilleur ou pour le pire, toute apparition ou disparition qui nous touche et nous affecte.

L'impact de ce déclencheur peut varier selon la complexité de nos attaches visées par la perte ou le changement, et selon si notre anticipation est teintée de joie, de soulagement ou de douleur. Cela dépend de notre opinion sur la pertinence et la qualité du changement. Cela peut aussi dépendre de l'influence de l'entourage, à savoir si celui-ci se montre favorable ou non au changement, si on peu faire face à la réprobation de ses pairs, en acceptant ou en refusant le changement. Par crainte de rejet social, on peut dépendre de la négociation ou du jeu d'influence de leaders naturels qui discréditent les pratiques existantes et qui supportent des alternatives, d'où émergera une nouvelle convention: la position "collectivement acceptable".

Dans la forme douloureuse, le choc c'est littéralement comme si on recevait un coup sur la tête, ressentant une émotion brutale en réaction à la nouvelle, de la stupéfaction, de la sidération, de l'incrédulité qui, pour un moment nous fait perdre le contact avec la réalité, à en perdre la notion du temps. Notre corps plonge dans un engourdissement qui nous protège de la douleur, affaiblissant nos facultés d'anticipation ou selon les personnalités, entraîne une grande agitation ou une grande paralysie. C'est une période qui en général ne dure pas longtemps (24h), mal choisie pour prendre des décisions à long terme et où il est bon d'être accompagné.

Le déni

La première réaction au changement se manifeste souvent par de l’incertitude, de la résistance ou du rejet, par le refus de croire l'information, par la difficulté à envisager l'impossible… soit la perte d'illusions, d'idéals, entre autres ceux de l'immortalité et de la permanence, perdre des aptitudes et du bien-être ou possiblement la perte d'une vie, celle d'un autre, d'une communauté et/ou la sienne propre. Une discussion intérieure ou/et extérieure peut porter sur la vraisemblance de l'évènement annoncé : - C'est pas vrai, pas possible....L'état est important même s'il est apparemment bref. Arguments et comportements de rejet et de contestation affluent. Il arrive que des personnes restent bloquées dans cet état... ou qu'elles y reviennent, comme dans un refuge.

La mentalisation de ces pertes va permettre la mise en représentation, la symbolisation puis la transformation des expériences corporelles et physiologiques chargées d’affects en pensées de plus en plus organisées. Il s'agit de reconnaître le besoin de vivre le changement en identifiant les forces motrices qui l'alimentent ou qui le déclenche qu'elles soient externes ou internes, et les forces résistantes qui s'y opposent tels l'anticipation négative d'une perte de statut, de salaire, de confort, de communication, d'amourriture ou d'aliments intellectuels.


II
LA MISE EN ŒUVRE DU CHANGEMENT, LA TRANSITION, ANALYSER ET ROMPRE

Le marchandage ou la dés-identification

Non seulement les activités quotidiennes changent mais on commence à abandonner petit à petit les définitions de soi devenues obsolètes. La personne devient très préoccupée par les conséquences des changements à son propre niveau. C’est une période d’entredeux ; les anciens automatismes n’ont plus leur place, et les nouveaux ne sont pas encore acquis. Cette période est souvent marquée par du flottement, de l'ambiguïté, des tensions, des conflits, des paradoxes, du désordre, du mécontentement, de l'inefficacité et une vulnérabilité. Une guerre en soi fait rage, un état de résistance à la soumission à la nouvelle réalité qui se dessine, avec le sentiment déchirant d'une guerre perdue d'avance. La personne est contrariée de devoir renoncer à ce qui est familier et confortable. Négociations, chantages, peur d'oublier, de ne plus reconnaître le ou les disparus, de ne plus se reconnaître soi-même vont et viennent. On s'accroche aux anciennes manières de faire qui nous définissaient jusque-là, on cherche à maintenir les habitudes qui habillaient notre vie, signes indirects de la présence de l'autre, du connu qui se découd et cela suscite de l'angoisse. On aspire à croire aux tentatives de contacts des disparus, les prendre comme des signes de leur protection, reflet du début de notre acceptation d'une transition qui s'opère. On cherche une bouée pour ne pas couler, on cherche des moyens clandestins pour restaurer l'équilibre.

L'abattement, la tristesse jusqu'à la dépression, dépression réactionnelle, altération de l'identification, le désenchantement, la désorientation

Les anciennes habitudes interfèrent dans les efforts pour en acquérir de nouvelles, les repaires font défaut ou sont inadéquats. La personne est plus facilement déroutée, confuse et fatiguée ce qui amène un sentiment d'échec. Cela demande à se concentrer davantage, cela demande plus de temps pour accomplir ses tâches, et cela entraîne une surcharge de travail qui affecte la productivité.

La colère ou la culpabilité qui s'exprime comme une sorte de disque rayé et parfois par une frénésie compensatoire pour contrecarrer l'éventuel sentiment de rejet ou de dévalorisation se dissipe un peu, par usure. Une profonde tristesse s'installe, avec un ralentissement psychomoteur, de la difficulté à prendre des décisions, une chute du dynamisme naturel, avec une plus grande vulnérabilité physique, de la perte du sommeil et de l'appétit, boule dans la gorge, courbatures etc, et de la douleur mentale. Comme le rythme quotidien ralenti après que la vie a repris son cours, la personne est exacerbée par le sentiment que les autres ne comprennent pas. Elle touche le fond. Sur le plan social, les sentiments individuels et l'état mental de la personne endeuillée affecte sa capacité de maintenir ou d'entrer en relation avec autrui (y compris dans le domaine des relations sexuelles). Parallèlement, le sujet en deuil ou en voie de changement peut développer des attentes nouvelles vis à vis de son entourage : besoin d'attention, de sollicitude, de calme, d'isolement, de distraction, d'information, de soutien technique.

La durée de ce comportement n'est pas liée à l'intensité des sentiments que la personne éprouvait pour le tiers ou pour l'objet du changement. Cela dépend surtout de sa résilience à ce moment précis de sa vie. Si trop fragile, la personne d'instinct est très susceptible ici de se réfugier dans les divers états vécus depuis le début du processus. Lorsque déchirée entre régression et désespérance, la personne devient particulièrement difficile à vivre. Cela peut aller jusqu'à la dépression, laquelle peut se caractériser par des douleurs physiques, maux de tête, de ventre, douleurs dans le dos, courbatures, ainsi que des attitudes et comportements suicidaires. Cet état peut devenir pathologique et destructif si il dure trop longtemps auquel cas il peut être bon de se joindre à un groupe de soutien.

La résignation

Se résigner est différent d'accepter. La personne se laisse porter par le déroulement de la vie. Elle n'a aucune visibilité de ce qu'elle peut faire. Elle agit au gré des circonstances, selon ce à quoi la renvoie l'évènement auquel elle est confrontée. Mais cette résignation peut se composer de soumission ou de rejet.

III
LA RECONSTRUCTION, LE CHANGEMENT, LA RITUALISATION, DÉVELOPPER ET EXPLORER

L'acceptation ou résignation fataliste

La résignation a provoqué une relative ouverture. Le caractère obsédant de la cause du deuil s'estompe. C'est la vie. L'heure est au fatalisme. Il arrive encore que la personne manifeste des états antérieurs. L'intensité est plus faible. Les périodes d'abattement sont moins longues. Elle conçoit quelques projets.

La phase de recherche, la restructuration, l'étape de l'adaptation

Le changement se réalise grâce à une stratégie qui diminue l'anxiété et les forces résistantes. On prend du temps pour soi, on organise des moyens temporaires pour transiger avec le quotidien ou dans la poursuite de ce qui avait été mis de côté, on tolère l'inconfort, on trouve le support et les appuis dont on a besoin. Ceci est un bon temps pour examiner le cours de sa vie, d'aller à la rencontre de notre nature profonde et de penser aux moyens de rendre possibles ses rêves, ses aspirations. On n'abandonne pas le passé complètement, mais on intègre ce qui nous paraît utile et nécessaire pour s'y ressourcer dans le futur. On expérimente le changement et on défini de nouveaux rôles. La transition progressant, les nouvelles pratiques se stabilisent, les doléances s’apaisent, les individus développent graduellement des automatismes, et retrouvent un niveau d’efficacité plus élevé. Le changement est adopté à des degrés divers, selon les personnes, mais on a atteint un seuil de non-retour, et désormais la référence au changement est disparue; on parle plutôt du mode de fonctionnement en vigueur. On recherche maintenant des moyens pour améliorer notre situation.


IV
REGEL, IMPLANTER ET COMMENCER

L'acceptation, la résilience, le commencement

La cause du deuil devient un souvenir. La personne ou la situation perdue est intériorisée. Le disparu ou l'objet du changement devient comme le personnage d'une histoire complétée, il maintenant fixé dans une bonne ou une mauvaise aura. Le passé est devenu un héritage d'existence, le présent se vit de manière paisible, relativisée et en fonction de projets et d'un regard agréable de l'existence. On réinvestit son énergie dans de nouveaux projets (même celui de trouver un nouveau compagnon) ou dans la poursuite de ce qui avait été mis de côté, de ce qui se préparait.

Paradoxalement, le commencement correspond à la dernière phase du processus d’adaptation. C’est l’étape au cours de laquelle les personnes adhèrent aux nouvelles valeurs, adoptent de nouvelles attitudes et commencent à percevoir des bénéfices tangibles et à s’engager dans l’implantation du changement. Ils ne s’engagent sans réserve dans leur nouvel état que lorsqu’ils ont intégré mentalement, physiquement et sur le plan émotif les changements. D’étranges choses peuvent alors se produire. Par exemple, les personnes sont habituellement à la fois fatiguées d’avoir traversé la phase de l’exploration et contents d’arriver enfin à la « terre promise », à un roulement quotidien sans gouffre. Par contre, pour certains, le commencement demeure angoissant et la possibilité persiste que les changements mis en place ne soient pas conformes aux attentes. Pour d’autres, la vision est maintenant plus claire et ils sont déjà engagés.

Sources: Deuil 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10; Changement 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11

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