Ceci est un suivi de ma page Musique ecclectiques I.
En ce Samedi 19 mai, mémorable pour moi, je me suis présentée seule à la salle Dell'Arte sur Jean-Talon. Un cadeau que je me faisais. J'ai fait la file. C'était ma première expérience sur ces lieux. Beau, dénudé, moderne, aéré, grand et intime à la fois. Sur les tables, ai-je découvert avec joie, la traduction de l'italien au français des textes poétiques des chansons de VINICIO CAPOSSELA. J'ai lu. J'ai bu ces paroles qui parlent toutes de l'éphémère des relations, de la douleur, de l'abandon, de l'état de l'amour ou de l'amour dans tous ces états. Il évoque le jeu aguicheur des manipulateurs, des tricheurs, et se montre subtilement, à mot couvert, symboliquement et de manière imagée, parfois un tantinet critique social.
Je m'attendais à de l'originalité sans savoir, car tout ce que j'avais pu lire sur lui, je le sentais, ne m'avait pas encore dévoilé qui il était, lui. Bien sûr, ne l'ayant pas vraiment rencontré "en personne" cela rend absolument subjectif, l'opinion que je m'apprête à partager avec vous.
Bien qu'aguerri à la routine des spectacles, d'entrée de jeu, il semblait un peu... incertain, ou bien était-ce de la sensibilité occultée par l'énergie bravache de la première partie? Son apparition avec une jambe glissée dans une botte de fourrure aux long poils blancs, pour moi évoquait l'homme semi-primitif en chacun de nous. Il était tout en intériorité, protégé par des chapeaux, capes ou masques interchangés... un reflet de nous-mêmes cachés derrière nos divers rôles dans la vie. Il chantait les yeux fermés, tout près du micro, recréant ainsi toutes les tonalités, toute la gamme des émotions tantôt comique, triste, tendre, critique de ses textes qui apparaissaient en français sur le fond de la scène. Il y a aussi eu des images, des ombres chinoises. Il m'a paru très humain, très vulnérable dans son exaltation. Il a eu son moment d'irrévérence aussi, fumant la cigarette sur scène, sous les acclamations approbatrices de la foule.
Indéniable, cette musicalité annonçée. Des traces de rock, de klezmer, de jazz, d'opéra, de musique de cirque et autres, mais avec en tout temps son empreinte particulière. Un côté théatral bien imbriqué dans sa musique tel l'inoubliable corbeau dans
CORVO TORVO. Il jouait la guitare, le piano,
utilisait les sons d'autres instruments tels le téléphone, le piano miniature de mon enfance. Il était accompagné par une contrebasse, un percussionniste et par le très discret mais excellent
Marc Ribot à la guitare électrique. Ce dernier a fait des solos absolument percutants. Le tout, orchestré de manière à être très fidèle aux enregistrements originaux.
Voici le menu musical auquel nous avons eu droit:
NON TRATTARE
... Si tu ne demandes pas, rien ne te sera donné
Si tu ne cherches pas, tu ne seras pas trouvé...
BRUCIA TROIA
... Et voici le fils
Qui te chassera
Qui te tuera
Qui prendra
Ta place dans le monde...
DALLA PARTE DI SPESSOTTO
... Du côté de Spessotto
De ceux qui ne sont pas très clairs
De ceux qui ne disent pas tout
De ceux qui ne disent pas le vrai
Garde tes emmerdements dans la tirelire
Si tu te tais, jamais tu ne mentiras...
MEDUSA CHA CHA CHA
... Et voilà, encore un de pétrifié
qui n'a même pas réussi à m'embrasser
Il est resté tout congelé
Oh mamma mamma qu'est-ce que je peux faire?
Encore un caillou que je vais devoir embrasser!..
CORVO TORVO
...Comme un corbeau parmi les filles du quartier
qui n'ont rien à t'envoyer dans les veines
tu fais un pas et elles s'envolent déjà
pendant qu'elles traînent sur leurs pieds
elles te saluent et tu le vois
qu'elles ne suffiront plus...
SCIVOLA VAI VIA
...glisse
glisse va-t-en
ne t'en va pas
glisse
glisse va-t-en
loin de moi...
SIGNORA LUNA
NON E' L'AMORE CHE VA VIA
...va va
tu sais, ce n'est pas l'amour qui s'en va
va va...
... ce n'est pas l'amour qui s'en va
le temps si
il nous vole puis nous sèche le coeur...
CHE COSSE' L'AMOR
... c'est quoi l'amour
c'est une adresse sur la commode
d'un lieu d'outremer
qui est loin
seulement avant d'y arriver
partie tu es partie...
MAHARAJAH
... il sert de père et de parrain
élève tout le monde à son destin
plus besoin de penser à rien
il pense à tout le maharajah
mais il t'inocule avec égard
toute la pourriture de son regard
si tu ne crois plus en personne
rien non plus ne croit en toi...
CON UNA ROSA
... alors porte-moi porte-moi la plus belle fleur
celle qui dure plus que l'amour de soi
la fleur qui à elle seule ne reflète pas la ronce
parfaite de douleur
parfaite de son coeur
parfaite du don qu'elle fait de soi...
AL VEGLIONE
IL BALLO DI SAN VITO
...j'ai la danse de saint guy et ça ne me passe pas
c'est le mal que je traîne derrière
depuis trente ans
en nul lieu rester tranquille, ne m'est possible...
OVUNQUE PROTEGGI
...Protège encore
La grâce de mon coeur
Maintenant et pour quand
Reviendra l'enchantement
L'enchantement de toi
De toi auprès de moi...
Dans la salle, deux attitudes: on est spectateur comme dans un concert classique soit on écoute et on ne bouge pas, ou ; on ne peux résister aux différents rythmes et on tient la cadence en frappant des mains, et du pied à l'instar du maître de musique, on chante avec lui, emporté par l'émotion, la partageant, la propageant. Bien que seule, plus d'une fois, je me suis retrouvée debout à scander le temps dans la joie pure, emportée dans la communion du moment présent. Moments qui ont duré plus de deux heures, très généreux... mais qui me parurent trop courts. Moments que j'aurais aimé partager avec d'autres... et non pas isolée dans la foule. Moments qui me font espérer le revoir encore.
J'ai cherché à garder un souvenir en le prenant en instantané sur mon téléphone, mais petit, de dos, aucune de mes prises ne le représente bien. Je m'en excuse.
BRAVO VINICIO!
Et un merci tout spécial à Marco Calliari et la salle Dell'Arte dans le cadre du Rital Fest d'avoir enfin inclus cet artiste qui tardait à se faire connaître chez nous. Ce fut un privilège vivement apprécié.
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